«Réponse au Gouvernement des États-Unis, au Pentagone et à l’UAP Task Force» : discours de Yann Vadnais (21 août 2021)
Ce discours a déjà été visionné plus de 13 000 fois sur différentes chaînes (Lux Media, YouTube, Aeropuerto Orion, Vidéorandia). Nous le publions enfin sur nos plateformes après bien des atermoiements, faute de temps. Ce fut après tout l’événement principal de l’année 2021 organisé par le GARPAN. Un montage final sera enfin publié la semaine prochaine.
Vous trouverez ci-bas ce discours sous forme écrite en français et en anglais.
(À noter que la version anglaise de cette vidéo est insatisfaisante ; je devrai donc la réenregistrer éventuellement. Vous pouvez toutefois consulter la version écrite du discours en anglais.)
« Réponse au Gouvernement des États-Unis, au Pentagone et à l’UAP Task Force »
Discours de Yann Vadnais, 21 août 2021
Discours en format PDF (en français) :
Consulter sur Academia.edu :
Discourse in PDF format (in English) :
Consult on Academia.edu :
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement des États-Unis,
Officiers militaires du Département de la Défense des États-Unis,
Membres des médias et de la presse internationale,
Le 24 juin 2020, la commission permanente de l’United States Senate Select Committee on Intelligence (SSCI) a voté une demande voulant que la communauté du renseignement et le département de la Défense communiquent des informations quant à leurs dossiers sur les ovnis dans les 180 jours suivant l’adoption de la loi d’autorisation.
Cette demande est devenue effective par le National Defense Authorization Act de l’année 2021 (d’une valeur de 740 milliards $ US) qui a été voté par la Chambre des représentants le 29 décembre 2020 et par le Sénat le 1er janvier 2021. Rappelons que cet ensemble de lois fédérales, voté annuellement, régit le budget et les dépenses militaires des États-Unis.
Suite à cette annonce, la communauté de chercheurs universitaires sur les ovnis — et aussi l’ensemble des intéressés et des passionnés par ce sujet mystérieux — s’attendaient à ce que le Groupe de travail sur les phénomènes aériens non identifiés (UAP Task Force) remettent un rapport au Comité sénatoriale, six mois plus tard, en juin 2021, tel que stipulé. Or, cette directive n’a pas été respectée, car seul l’Office of the Director of National Intelligence a rendu public, le 25 juin dernier, un ‘rapport préliminaire’ d’à peine sept pages (préparé par UAP Task Force et le directeur de l’aviation de l’Office of the Director of National Intelligence).
Pour des professionnels qualifiés et expérimentés comme vous, Honorables représentants, il va de soi que cette déception s’explique : ou bien par un flagrant manque de professionnalisme, ou bien par une manœuvre politique aux objectifs suspects. Et comme le Directeur du Renseignement national (DNI) est désigné par le Président, cela laisse deviner un changement d’attitude de la part de la récente administration Biden sur ce sujet.
Au cours de la conférence de presse qui va suivre, vous entendrez les opinions éclairées d’une trentaine de spécialistes et sommités sur les ovnis provenant d’une dizaine de pays. Vous apprendrez ainsi que les chercheurs universitaires et autres investigateurs indépendants ne sont pas non plus satisfaits de cette surprenante déclaration officielle : il est bien écrit que onze cas ont failli mener à une collision aérienne et — noir sur blanc — que les « PANs posent clairement un problème pour la sécurité aéronautique et peuvent constituer un défi pour la sécurité nationale des États-Unis (p. 3) ».
Pourtant, la série des bourdes majeures de la part des États-Unis à propos du sujet des ovnis et de la conquête de l’espace ne datent pas d’hier : autant le pour et le contre de la réalité de ces phénomènes ont été officiellement déclarés au cours des sept dernières décennies, depuis les célèbres projets d’études de l’US Air Force des années quarante, cinquante et soixante jusqu’aux révélations des insiders et des anciens employés au cours des dernières décennies.
À titre de co-organisateur de cette conférence de presse, je tiens moi aussi à soulever quelques critiques. Je m’appelle Yann Vadnais et je suis le directeur du GARPAN, un groupe de recherche très actif au Canada depuis 2012. Je suis surtout un chercheur universitaire qui travaille concrètement à la reconnaissance des différents horizons, perspectives et traditions d’études impliqués dans les recherches sur les ovnis et sur les PAN.
Le problème avec les ovnis — et c’est la mise en garde que je souhaite partager –, c’est que l’ufologie peut et doit s’entendre en plusieurs sens. Il faut donc raisonner à la manière du philosophe Aristote et accepter la polysémie de ce terme consacré par la culture populaire. Il est nécessaire de considérer les différents objets rapportés par les témoins comme appartenant en fait à des domaines d’étude strictement distincts.
- Fouillis radar (airborne clutter) ;
- Phénomène atmosphérique naturel ;
- Nouvelle technologie industrielle ou gouvernementale ;
- Technologie d’une nation étrangère adverse ;
- Autre.
Deux choses ressortent de cette liste :
- Le point 3) sous-entend que le gouvernement des États-Unis ou certaines industries américaines détiennent des technologies non conventionnelles non reconnues ;
- Point 4) : qu’il y a aussi des raisons légitimes de suspecter que ce pourrait être le cas de nations étrangères.
En tant qu’investigateur et chercheur expérimenté en ovniologie, permettez-moi toutefois de vous détromper. Il faut plutôt considérer les choses de cette façon.
1) Méprises (perceptuelles) et erreurs de lecture des appareils ;
2) Phénomènes naturels d’intérêt scientifique ;
3-4) Sondes ou véhicules technologiques ;
5) Autres.
Phénomènes repérés :
6) Ovnis vraisemblablement d’origine non-humaine.
7) Phénomènes intelligents interagissant avec la conscience des
témoins.
Nouvelles intelligences suprahumaines :
8) Intelligence artificielle
- Les méprises peuvent être autant humaines que techniques, et relèvent du champ investigatif de l’ufologie, dont s’occupe beaucoup de groupes amateurs.
- Les ‘phénomènes naturels d’intérêt scientifique’ ne relèvent pas uniquement de la météorologie, mais aussi de la géologie, de l’océanographie, de l’optique, etc. À cet égard, nous renvoyons au catalogue des anomalies scientifiques établi par William Corliss.
- Les points 3) et 4) se confondent. Certes, au plan militaire, il faut les séparer, mais dans les deux cas, nous avons affaire à des machines.
- –
- Le point 5) ‘’Autres’’ correspond très bien aux véritables ovnis, et c’est un terme qui a souvent servi à les cataloguer.
Par contre, les recherches sur les ovnis ont mis en évidence l’existence d’au moins deux phénomènes intrigants et controversés :
- Un phénomène qui intéresse primairement les anthropologues, les folkloristes, les mythologues, mais aussi les philosophes et les phénoménologistes: il existe en effet une intelligence (peut-être la psyché des témoins eux-mêmes) qui interagit réellement avec la conscience des témoins et est en partie conditionnée par l’environnement ;
- Quelques rares cas d’ovnis admettent raisonnablement la plausibilité de l’hypothèse d’une origine extraterrestre. C’est le domaine de la prospective et des protocoles de communication, par exemple la « Déclaration de principes concernant les activités subséquentes à la Détection d’une Intelligence Extraterrestre », adoptée par l’Académie internationale d’astronautique (AIA).
Certes, les militaires cherchent d’abord à déterminer s’il s’agit d’une menace, mais cela ne devrait pas empêcher d’offrir au public assoiffé de réponses un tableau cohérent et complet des phénomènes associés aux ovnis. Les militaires et les dirigeants consciencieux ont sans doute raison d’appréhender une menace émergente : mais au lieu d’extraterrestres venus du cosmos qui se font attendre, on risque très bientôt d’être confronté à de nouveaux acteurs sur la scène géopolitique mondiale, car l’intelligence artificielle produit déjà des intelligences suprahumaines.
Et quand le rapport énonce que « l’objectif initial sera d’utiliser l’intelligence artificielle et les machines d’apprentissage automatique pour regrouper et reconnaître des similarités et des modèles dans les caractéristiques des ensembles de données », en se référant au rapport sénatorial 116-233, il y a lieu d’aller s’enquérir. La section 505 nous informe que le Directeur du renseignement national (DNI) doit « effectuer une évaluation des contrôles des exportations liées à l’intelligence artificielle (IA), aux puces électroniques, aux équipements de fabrication de pointe et à d’autres technologies basées sur l’IA ». Et dans les commentaires du comité (point 3) de cet Intelligence Authorization Act for Fiscal Year 2021, on nous informe sur les objectifs de l’Algorithmic Warfare Cross-functional Team du Département de la Défense. Le plan de cette équipe est d’« intégrer des algorithmes d’intelligence artificielle non supervisés (par exemple, des algorithmes qui apprennent à partir de données sans être entraînés, permettant à l’intelligence artificielle de s’auto-améliorer) dans le Project Maven ».
En somme, le cadre de ce rapport préliminaire est trop étroit : Le nombre de cas traité est minime : 144 cas entre 2004 et 2021 (la plupart au cours des deux dernières années). De plus, le rapport affirme : « La plupart des dossiers décrivent les PANs comme des objets qui interrompent un entraînement planifié ou une autre activité militaire ; et qu’ils «auraient tendance à se produire autour des terrains d’entraînement et d’essai américains » (p. 5), avouant même que cela constitue un biais à leur analyse.
Enfin, je formule une troisième critique à titre de chercheur universitaire en histoire. Le rapport préliminaire ne présuppose aucune perspective historique, s’exprime comme s’il n’y avait jamais eu d’étude sur les ovnis auparavant et ne fait référence à aucun cas d’autre pays. Lorsqu’il est affirmé en page 4 qu’« aucun standardized reporting mechanism n’existait jusqu’à ce que l’US Navy en établisse un en mars 2019 », cela est faux : autant aux États-Unis que dans de nombreux pays, il existent depuis un demi-siècle des procédures pour rapporter les observations non identifiées. D’autre part, si la Marine américaine a établi un tel protocole des signalements d’ovnis depuis 2019, pourquoi n’est-il pas question des OANI, des objets aquatiques non identifiés ? Par contre, la proposition de réviser toutes les archives radar de l’Armée grâce aux capacités computationnelles de l’IA est une très bonne idée. (p. 7)
En conclusion, on ne peut qu’éprouver un sentiment mitigé face à ce rapport incomplet, trop court, fautif et sans recul historique. Face à cette maladresse sur un sujet si controversé et explosif, nous conseillons que toute annonce majeure concernant les ovnis provenant des militaires devraient être appuyés par un comité formé de philosophes, de sociologues, de politicologues, d’anthropologues, etc., ainsi que de scientifiques et d’ingénieurs travaillant sur ces objets. Cette précaution culturelle permettrait de mieux coordonner une réception intelligente et organisée des données à partager.
En vue d’évaluer la qualité du ‘’rapport complet à venir’’, je vous propose, Honorables représentants du peuple américain, de consulter entre temps le rapport récent de 377 pages de la Commission 3AF-SIGMA2. Rédigé par l’Association aéronautique et astronautique de France justement en prévision de la publication du rapport de votre département de la Défense, vous y trouverez un très bon exemple comparatif.
Les recherches rigoureuses sur les ovnis existent et elles sont pertinentes à maints égards. Elles ne devraient pas être détournées de leurs visées scientifiques en vue de gagner du capital politique, de manipuler le public ou de mener des campagnes des désinformation.
Merci de votre attention,
Yann Vadnais
21 août 2021